Les vitamines du bonheur de Raymond Carver
Les gens heureux n'ont pas d'histoires ou d'Histoire. Ils en ont une mais elle n'intéresse personne. La vie des gens à problèmes n'est souvent guère plus passionnante, alors comment se fait-il que nous soyons fascinés par ces nouvelles, genre difficile, de Carver à John Cheever, racontant quelques tranches de vie de gens ordinaires, souvent dans la mouise, dans un coin perdu de campagne américaine ou un quartier pourri de grande cité. Les miroirs que nous tendent ces récits nous renvoient-elles à nos propres existences, rêvées ou subies ? Ou l'éloignement nous permet-il de nous affranchir de toute ressemblance ? La force de la fiction U.S réside dans cette capacité à transcender la banalité d'un décor ou d'un personnage, d'en faire une figure de style, de créer une mythologie de l'instantané, au- dessus de l'insignifiance d'une vie de tous les jours.
Les nouvelles de Raymond Carver atteignent des sommets dans cette distorsion d'une réalité terne et médiocre, où ce qui n'est pas dit ou décrit est plus important que l'anecdote narrée dans ses écrits. Il y a un avant et un après l'histoire, une perspective quasi picturale, nous laissant toute liberté d'imaginer le pourquoi de la situation et le prolongement de celle-ci.
A voir en complément " Short cuts" de Robert Altman qui établit très justement le lien entre ces tranches de vie.