Grenoble, fin de l'histoire...
Pas d'épanchements intempestifs mais quitter une ville où j'ai habiter depuis juin 2000 ne peut me laisser de marbre. Il aurait pu être possible que je reste si l'immobilier n'atteignait pas des sommets hors de portée de ma bourse de retraité et si...mais c'est une autre histoire.
Je voulais remercier, sans ordre aucun, Colette, Alain, Christiane, Samia et Rémi, Fred et Hélène, Zohra, Laure, David, Pierrot, Evelyne, Gilbert, Brigitte, Jean-Luc, Christelle, Marie, Eric, Karim, Philippe, Marion, Mélissa,Christine, Joachim, Naya, Nicolas et beaucoup d'autres dont j'ai oublié les noms, qu'elles et ils m'excusent.
J'ai passé 18 ans dans cette ville, choisie au début par les connaissances que j'y avais, je participai ensuite à diverses associations, puis m'abimai dans la boisson, je voudrais remercier ici les médecins et infirmières qui s'occupèrent de mon cas, pas toujours simple ni patient. C'était ici et nulle part ailleurs. Je pourrais raconter moult anecdotes, je m'y perdrai. Je suis un peu triste bien évidemment. J'ai beaucoup râlé contre les embouteillages, la pollution et la chaleur (aujourd'hui), je me suis adapté à cette ville où beaucoup sont de passage, étudiants, ingénieurs en stage, rien que du beau monde. Les souvenirs affluent en évoquant toutes ces années.
J'ai habité six années durant dans le quartier Saint-Bruno, mélange de vieille immigration et de bobos écolos. On a dit beaucoup de bêtises sur l'assimilation, la délinquance liée à la teinte de la peau. Je n'ai pas eu le moindre problème, ni éprouvé le moindre sentiment d'insécurité en ce lieu fortement métissé. Je ne vais pas m'agacer de bon matin mais j'ai entendu de la bouche de bons blancs de chez nous, pur beurre serais-je tenté de dire, des invectives et les lieux communs tout droit sorti du journal de 20 heures, de gens vivant dans les campagnes les plus reculées, n'est-ce pas Eric, Alex et les autres, sur le danger d'accueillir trop de personnes venus "d'ailleurs". Ils ne sont pas comme nous. Si, si, les gars, ils sont comme nous, je vous assure, venez, je vous accompagne...
Stop, ce n'est pas le propos.
Une petite couche malgré tout:
J'ai des amis, qui ont quitté Grenoble, qui pratiquaient l'accueil d'étudiants étrangers, via un système de bourses, venus d'Afrique en général. J'ai passé des moments extraordinaires d'échanges, de témoignages sur leur vécu, le pourquoi de leur présence chez nous, qui surpassent, et de loin, la beaufitude incarnée par les fins de banquet de nos campagnes franchouillardes.
Dans la même tonalité, une association d'obédience "très à gauche", avec laquelle j'ai fait un (petit) bout de chemin, m'a fait découvrir ces musiques d'ailleurs, moi, vieil amateur de pop-rock seventies, Geoffrey Oryema, récemment disparu, des rencontres improbables lors de débats passionnés, de gens censés ne jamais se croiser. Dans la banlieue grenobloise, la ville de Fontaine, à la vie associative très riche, m'a permis de mesurer l'ampleur de l'immigration italienne dans l'après-guerre, de parler avec cet ouvrier métallo, arrivé en France après-guerre, fuyant la misère de l'Italie du sud avec ses parents, me confiant son cahier de la classe de Certificat d'études, daté de 1955, et le diplôme qui allait avec, et le regard qu'il avait à cet instant, la fierté et le remerciement envers le pays qui l'avait accueilli. Mon père enseignait à cette classe, diplôme de fin d'études, nécessaire à l'obtention d'un prêt à la banque ou d'un travail à l'usine, je mesurai l'incompréhension qui les habitait à l'écoute des discours de haine du Front National et, plus récemment, du manque d'empathie définitif du prince (pas charmant du tout) qui nous sert de président de la République.
Grenoble, en dehors de ces centres de recherche, de sa haute technologie, c'est d'abord un melting pot, un brassage et un renouvellement de population permanent.
La perception que j'en ai, à l'heure de mon départ, est sujette à interprétation, c'est la loi du genre. La nostalgie n'est jamais loin et là où je vais, elle abonde, c'est le danger de partir et de revenir, d'être nomade, c'est la richesse des rencontres sans cesse renouvelées, des re-découvertes après des années d'absence.
Je reviendrai traîner mes guêtres par ici.
Merci à celles et ceux qui m'ont aidé, à certaines personnes que je n'ai pas traité comme je l'aurais dû, merci à elles.