Il pleut...

J'avais oublié à quel point j'aime l'odeur de la terre mouillée, pas détrempée, juste humidifiée par quelques gouttes et cette sensation étrange de proximité avec l'eau, élément nourricier dont on ne perçoit l'importance que le jour où il n'y en a pas, le jour où il n'y en aura plus. Je dois la vie à l'élément liquide, ma première conscience s'éveille dans le liquide amiotique, cette relation intime, ce flottement aquatique rassure, m'enveloppe, les bruits extérieurs me parviennent , assourdis et lointains, le danger est absent, personne ne viendra me chercher et...le jour arrive où, il le faut bien, je naîs et je pleure, larmes de bonheur ?

Il pleut ce soir sur les arbres du parc de Laurenan, il a plu ce matin, une averse tout au plus, la pelouse a dit merci, plus verte cet après-midi, une pluie d'arrosage, comme une peinture irlandaise, la péninsule de Dingle, l'ouest de l'Irlande à laquelle je pense ce soir. La couleur du couchant ce soir m'a transporté il y a plus de dix ans dans le port de Doolin, lumière incomparable d'une pureté quasi surnaturelle, je n'ai pas la mer, juste la verdure et les fleurs du jardin. Ce fut un voyage merveilleux, initiatique à beaucoup d'égards, tenant à montrer à ma belle la patrie de mes cousins irlandais, pari climatique aussi pour la femme du Sud qu'elle est, paysages changeants dans l'heure, fascinante palette de verts et moi, breton de mon état, guettant la désapprobation ou l'agacement; il n'y en eût point. Le silence qui règne m'emmène loin, juste un léger tapotement de gouttes de pluie sur le toit en ardoises accompagne mes pérégrinations sur l'île verte.

Je m'éloigne de ce souvenir à grands pas, sentant pointer la douleur de l'erreur par delà la douceur de l'évocation. Chaque jour qui passe me la fait sentir un peu plus, l'absence, ainsi que l'eau dans le désert.

J'ai soif.