Après deux semaines de confinement , une source miraculeuse à Laurenan ?
J'étais venu initialement m'occuper de ma maman, me ressourcer dans mon village natal et je me retrouve 18 mois plus tard dans la grande maison et son écrin de verdure, isolé avec ma fille, entre lectures diverses, rituels immuables (déjà) et bol d'air frais. Deux semaines se sont écoulées, le temps s'écoule à une douce lenteur, je serai tenté de le comparer au courant de la rivière qui passe en bas de chez moi, le Ninian qui prend sa source à quelques kilomètres d'ici, sur le territoire communal.
Le jeu, une fois libéré, serait de trouver la source, de la marquer symboliquement, voire de construire une fontaine mais c'est peut-être déjà fait. A défaut de monuments historiques notables, nous pourrions créer une histoire, une légende ou un mythe autour de ce ruisseau, une aura miraculeuse distille ses bienfaits, secret jalousement dissimulé par les gardiens, les porteurs des clés seuls habilités à choisir les heureux bénéficiaires de cette potion aux pouvoirs insoupçonnés. En rangeant le grenier, je suis tombé sur de vieux papiers jaunis que je ne saurais dater. Mon grand père fut maire de la commune pendant un demi-siècle, durée suffisamment longue pour accumuler des connaissances sur un territoire, recueillir des confidences de l'ancien temps, mémoire orale aujourd'hui disparue. Il les aurait couchés sur le papier, témoignage précieux d'un savoir disparu. Notre commune, un peu oubliée des dieux, aurait-elle caché au monde un trésor, inexploitable dans les temps anciens ? Je vois à vos mines ébahis le doute s'immiscer en vous. Mon grand-père, personne respectable et respectée, peu porté sur les élucubrations ésotériques, se serait-il pris au jeu d'une recherche historique locale ? Il aimait l'Histoire, la grande histoire, les batailles, les grands hommes, ceux qui, selon lui, façonnaient le destin des hommes. La gestion au quotidien d'une commune rurale lui montrait les limites d'une histoire populaire, préoccupations basiques liées à la survie d'une population pauvre sur une terre ingrate, mais le mystère des origines, lui, athée, pouvait-il titiller son esprit ouvert et curieux ?
Une rivière prend sa source sur les terres communales, certes, mais encore ? Rien que de très banal en l'occurrence que ce don de la nature. La terre bretonne baigne depuis des siècles dans un mélange des genres, syncrétisme improbable entre christianisme et paganisme, prêtres et druides se disputant la crédulité des foules fuyant la misère terrestre vers une rédemption hypothétique. Tout fut exploité en des temps où la science balbutiante se réfugiait derrière la toute puissance de Dieu, seul maître à bord du vaisseau terrestre, alors, une source, pourquoi pas ? Lui prêter des vertus miraculeuses n'était pas un trop gros mensonge sous le regard de Dieu, eu égard aux bénéfices futurs d'une paix sociale difficile à maintenir. Avant la Révolution, l'obscurantisme alliée objective de ma misère était un terreau fertile à l'éclosion de supercheries aussi grossières que malhonnêtes. L'on trouva un prêtre complaisant, un guérisseur auto-proclamé et le seigneur de la contrée fit battre la campagne, créant la rumeur d'une source miraculeuse, antidote aux maux du moment. Il n'en fallut pas plus pour échauffer les esprits, détournant par là même l'attention de malversations financières et d'extorsions en tous genres dudit hobereau. Tout cela fut consignée par écrit, documents égarés pendant la révolution, consignés pendant longtemps dans les archives départementales, rapatriés par mon grand-père dans le giron de l'administration locale, concrètement, son bureau.
Que je retrouve ces vieux textes dans le grenier familial n'a rien d'étonnant, mon grand père n'est plus de ce monde, mon père non plus et ma mère vit dans le sien, personne ne saurait interpréter ces grimoires d'un autre âge.
Ont-ils existé ?
Image : Locronan 2012