Jour 22 / Début de la 4ème semaine/ 07.04.2020, Il est 08h23 à Laurenan
Faux espoir, le nombre de décès a été plus important hier, néanmoins, le nombre d'admissions est en baisse. Je ne précise pas de quels décès il s'agit ni de quelles admissions et où sont-elles situées ? Nous avons intégré ces chiffres, bien à l'abri pour ce qui me concerne dans la maison entourée d'une cordon sanitaire de 6800 mètres carrés. Je sors faire les courses deux fois pas semaine. J'ai parlé à des voisins et amis qui ont fait leurs courses alimentaires il y a...trois semaines et j'en ai rencontré un qui n'était pas sorti depuis quinze jours; vu quelques images de groupes sur l'herbe dans les parcs urbains et entendu un témoignage d'une confinée à Rennes qui constate les déjeuners sur la pelouse en bas de chez elle.
Eh, les gens, à quoi ça sert que certains respectent les règles si d'autres les violent allègrement ? J'ai toujours penser que les lois n'étaient pas faites pour moi (prétentieux), mais pour une minorité qui ne savait où s'arrêter dans l'apprentissage de la vie en collectivité. La liberté de chacun s'arrête là où commence celle des autres ou, autre prose, si je veux être tranquille, je traverse dans les clous ( passage piéton pour les plus jeunes) dixit Brassens, anar sympathique dont les armes étaient les mots et les accords de guitare, ritournelles d'un autre temps. Je revois cette affiche célébrissime avec lui, Brel et Léo Ferré dans un studio de radio, composition picturale tant il fut difficile de les rassembler tous les trois pour une photo passée à la postérité. Je m'aperçois en évoquant cela ( comme souvent) que je ne peux dater l'évènement, perdu dans un océan d'informations, îlot d'intelligence et de talents dont les noms n'évoqueront bientôt plus grand chose à grand monde. L'introspection qui s'invite dans notre confinement personnel, par moments, nous embarque dans un voyage temporel vertigineux, à défaut de déplacements dans l'espace. Une bibliothèque, une discothèque, une DVDthèque sont autant de pièges à souvenirs, de supports sensoriels à un passé révolu. Un clignotant s'allume : danger, nostalgie écartes-toi ! La rubrique "A nos chers disparus" n'attend que ma voix, égrener une liste interminable de chansons, refrains ou titre de romans, de films ou de séries TV, pour donner corps à un autre moi, avant, avant quoi, avant aujourd'hui, immobilité subie, obligation de faire une pause, salutaire dans une course effrénée, accumulation un peu stérile d'émotions en tous genres.
Je ne pense pas être le seul à ressentir ce trop plein en cette période étrange dans laquelle le temps s'étire interminablement.
Les images d'un film me reviennent, pourquoi celui-là, je ne sais pas : Une journée particulière, 1938 à Rome. Marcello Mastroianni et Sophia Loren, seuls dans un immeuble. Ce jour si long, permet toutes les audaces, le temps évoqué ne prend que quelques heures, Mussolini rencontre Hitler, une femme garde l'appartement, l'homme est banni, rencontre improbable... A voir ou à revoir.
Il est 9h10.
Bises virtuelles
Image : Moïse de Michel-Ange, Rome 2008