La mort rôde / 5

Milieu de mâtinée, je maîtrise difficilement l'état second dans lequel je suis mais c'est peut-être mieux ainsi. J'ai trouvé les balles dont j'ai besoin, un voisin collectionneur, qui ne pose pas de question, je lui ai juste dit que j'avais trouvé l'engin dans le grenier, il m'a juste dit de faire attention, arme létale, qui peut tuer et de loin, de très loin m'a-t-il précisé, faire gaffe.

Dans ce cas, si ça tue, ce sera de près.

C'est l'heure de vérité, quelques kilomètres me séparent de la maison de Louis. Le temps se gâte à nouveau à l'approche du village où il habite, la nappe de brouillard qui stagnait dans la vallée entre nos deux résidences s'est étalée jusque chez lui, au même moment, j'arrivai devant sa demeure, laissant la voiture à l'extérieur. La brume s'est de nouveau épaissie. Je prends le même chemin que tout à l'heure, ouvre le portillon, le laissant entr'ouvert, et marche d'un pas faussement tranquille vers l'habitation. J'ai pris la carabine avec moi, étrange pour aller voir un ami, mais je préfère une explication vaseuse, si tout va bien, à un suicide , si tout va mal.

La porte d'entrée s'ouvre brusquement, Louis est là et me fixe d'un regard étrange :

-Bonjour, cher ami, tout va comme tu veux, me dit-il d'un ton ironique, observant avec attention ce que je tiens des deux mains maintenant, percevant quelque chose d'anormal dans son allure et le ton employé. Tu vas à la chasse continue-t-il sur un ton goguenard que je ne lui connais pas, et tu chasses quoi ?

- C'est peut-être à toi de me le dire, il se passe quoi ici, Louis, dis-moi. J'ai vu des...choses bizarres ce matin, et toi, aussi, quelqu'un d'autre...

- C'est fini, Vincent, fini pour toi, allez, les filles, le déjeuner est servi...

Derrière lui, les monstres tapis attendaient un signal... Un sourire sarcastique avait mangé le visage de Louis, donnant à celui-ci un air satanique effrayant, il s'accroupit, une des bêtes s'approcha de lui à quatre pattes et s'assit à sa droite, une deuxième le rejoignit à sa gauche. Il les flatta à l'encolure, celles-ci semblaient lui obéir. J'armais, le cliquetis ...

-Allez ! dit-il d'un ton neutre.

Je tirai quasiment à l'aveugle, deux coups, me retrouvais par terre , le recul de l'arme m'ayant projeté, une des deux bêtes gisait à quelques mètres, la deuxième boitait et se trouvait tout prés maintenant, menaçante, elle attaqua, je me servis de l'arme comme d'un bâton , la faisant tournoyer et frappant l'animal une fois, sans effet notoire. Il me restait des balles dans le chargeur, reculant de quelques pas, je réarmais et tirais de nouveau, visant la tête que je ratais, puis une deuxième fois, dans le mille, explosant le crâne, clouant sur place cette chose innommable et infecte. Louis avait disparu, aucune autre créature en vue,j'étais à présent seul sur l'herbe.

Le bruit des coups de feu avait dû attirer l'attention, nous n'étions pas loin d'autres habitations. Je me tournai vers la maison, rien ne bougeait puis, plus rien, je m'écroulais, inconscient.

Combien de temps restais-je ainsi ? Je ne saurais le dire, il eût mieux valu la mort que ce qui suivit, un ailleurs, loin du monde connu.

- Vincent, mon ami, que d'émotions en si peu d'heures. T'es-tu reposé pendant ces quelques heures ? Je le pense, le sédatif de mon maître apothicaire fait merveille, une flèche hypodermique, une sarbacane, silencieux et efficace. Ta pétoire a coûté la vie à deux de mes fidèles compagnons, tout ça pour rien. Vois-tu, tu es rentré par effraction, sans le vouloir, dans mon monde intérieur, tu ne peux en sortir, tu n'as pas la clè, tu es condamné à vivre avec moi, ou devrais-je dire, en moi. Toute hostilité mettrait fin à notre, comment dire, collaboration, me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui murmurai-je

- J'ai mal compris.

- Oui, mais où suis-je ? quel est cet endroit sinistre et ces...choses ? Et cette odeur...

- On s'y habitue, tu verras

- J'en doute. Je t'écoute, si tu daignes me donner quelques éclaircissements...