Mumbai-Varanasi / 3 / Il est 07h41, nous sommes le 5 Décembre 2020

Varanasi est le nom actuel de ce que nous connaissions sous le nom de Bénarès. Je le précise, idem pour Mumbai, nom indien de Bombay. La plupart des gens que je connais et qui ont voyagé en Inde disent que cette ville est le souvenir le plus marquant, souvent évoquée, y compris par les multi-récidivistes du périple indien. Jean-Claude Carrière, scénariste, écrivain, grand amoureux du pays, y est venu fréquemment, il fit traduire le Mahabharata, texte sacré indien, qu'il adapta avec l'homme de théâtre anglais Peter Brook. Dans son "Dictionnaire amoureux de l'Inde", que je conseille, il parle de sa trentaine de séjours et avoue ne rien connaître de ce pays, ce que l'on a du mal à croire et, dans sa conversation, il raconte une anecdote, qui m'échappe à l'instant, illustrant son propos, spectacle de la rue permanent et réactions humaines improbables propres au sous-continent indien. Dans une précédente évocation, à Madurai, dans l'Etat du Tamil Nadu, je parlais de ce gamin qui m'avait pris par la manche, tenant absolument à ce que je prenne en photo toute sa famille au travail, sourires en cascade, aucune rétribution que le plaisir de regarder les images au dos de l'appareil. Cela est arrivé souvent, à Varanasi aussi mais le plus souvent, une indifférence polie, le sourire et la foule vous absorbe...

Ne pas oublier que la lutte pour la vie, dans la rue n'est pas un chemin pavé de roses. L'homme qui est en couverture et me regarde, plein d'espoir, vendant ses cartes postales, va, dans les minutes qui suivront cette image, se faire molester assez rudement par d'autres vendeurs des rues, plus jeunes, qui m'expliqueront, avec force gestes, pourquoi il n'avait rien à faire à cet endroit, que ce bout de "ghât" est à eux, que c'est un pirate, qui les vole, et ainsi de suite. Je n'ai jamais revu cet homme et le dernier regard qu'il me jeta, terrorisé et implorant, tout cela au milieu de la foule qui vaquait à ses ablutions dans le fleuve tout proche, ses yeux larmoyants me retournèrent les sangs, retour sur terre, violence réelle à peine dissimulée, la formule anglo-saxonne "struggle for life" s'applique ici dans toute son implacable dureté.

Demain, je terminerai le séjour près du Gange, avec d'autres anecdotes, peu amènes, vous le constaterez.

Bises