Séquences malouines, Mars 2019 / Il est 08h24, nous sommes le 21 Février 2021
La vie suit son cours en ce mois de Mars 2019. Nous pouvons sortir, insouciants que nous sommes, ne sachant pas quel épée de Damoclès survole les villes agitées en tous sens, bientôt figées, arrêt sur image. Concert en l'église Saint-Vincent Intra-Muros, le Requiem de Mozart, orchestre et choeurs tchèques, où sont ces gens aujourd'hui ? Moment magique, autre adjectif trop usité, acoustique de bâtiment religieux pour une messe des morts, pas ça pour mon passage à trépas, on fait comment ? Nous comptons les morts chaque jour, hôpital, funérarium, à la chaîne, pas d'amis, la famille réduite au minimum, un peu de musique et, dans mon cas, le cimetière de Laurenan, les amis trop loin et les natifs non concernés et hop, au trou ! Le théâtre de la mort avait choqué une personne de ma connaissance, originaire d'une autre région. La catafalque, le défilé, l'hommage, les chaises dans la pièce et celles et ceux qui veillent, le regard dans le vague, quelqu'un tousse, ou se mouche, le silence retombe, deux jours comme cela, je me souviens, mon grand-père paternel, total respect comme on dit aujourd'hui, et le passage à l'église, qu'il ne souhaitait pas, beaucoup de monde à la sortie de cette messe, j'avais quinze ans et je ne comprenais pas ce que je faisais là, pourquoi, alors qu'il ne le voulait pas ? Je ne savais pas encore qu'un mort n'est plus là pour faire respecter ses dernières volontés, c'est fini et les vivants font bien ce qu'ils veulent, ils sont vivants, eux.
Pourquoi je vous parle de ça ? Cinquante ans qu'il n'est plus là, l'aïeul respecté, le héros de guerre, le maire qui m'impressionnait avec sa moustache de poilu. Je ne me souviens plus de sa voix, lui ai-je parlé, je n'en suis pas sûr, il lisait "Napoléon" d'André Castelot, historien de ce temps-là, quand il ne s'est pas réveillé un matin, mourir à quatre-vingt ans dans son sommeil quand on a connu Verdun, avouez que vous aimeriez vous en aller de cette manière, moi aussi mais je ne suis pas un héros, pfuit... le dernier souffle.
Je suis loin de Saint-Malo mais plus près de mon grand-père que je ne l'ai jamais été.
Bonne journée, bon dimanche
Bises
Image de couverture : Algues sous le soleil.