De Saint-Malo au Val-André / Il est 07h49, nous sommes le 18 Mars 2021

Le printemps approche et avec lui des températures et un ensoleillement qui incitent à prendre l'air, en l'occurrence balades côtières, solides chaussures et coupe-vent, les rochers bretons sous la lumière et la brise marine demandent à être apprivoisés, le pied qui accroche et le nez en l'air vous assurent de passer un moment serein dont votre corps confiné par ailleurs ne demandait qu'à respirer, loin de l'enfermement contraint.

Dans les prochaines semaines, je m'aventurerai vers le Far-west breton, j'ai nommé le Finistère, Penn-Ar-Bed, la fin de la Terre, le Nord du département, dont je ne connais que la ville de Brest et les alentours. Les Abers, les rochers de Portsall, tristement célèbres, l'île de Batz, si le temps et les restrictions le permettent, deux ou trois nuits en gîte, histoire de se dégager d'une sédentarité un poil étouffante. L'Australie est fort loin désormais, comme beaucoup d'autres endroits qui deviendront inaccessibles au quidam retraité que je suis. Je soupçonne certains de sourire de satisfaction à la vue des avions cloués au sol, et de se dire : il a bien profité, la côte bretonne est assez belle, pas la peine d'aller chercher ailleurs. Il est vrai que les traits de côte de la région sont d'assez belle facture, mère Nature s'est surpassée il y a quelques millions d'années.

Je dis cela, sentant échapper, au fur et à mesure que le temps sanitaire impose sa loi, les opportunités de réaliser les quelques escapades projetées, dans les conditions de liberté et de détente nécessaires à un voyage digne de ce nom. Nous avons vu arriver, suite aux attentats du 11 Septembre 2001, les contraintes sécuritaires dans les aéroports, nous verrons, ou pas, la multiplication de principes de précaution sanitaire à chaque déplacement, masque, gel, marquage au sol, et remarques acerbes en cas de laisser-aller, toutes choses contraires au sentiment de liberté du nomade. Le retour à l'instinct grégaire, sécurisant pour la plupart, insupportable et sclérosant pour d'autres, rappellera à ma génération que nous avons abusé des bonnes choses et que la fête est finie. Celles et ceux qui vont naître aujourd'hui entendront leurs grands-parents évoquer des contrées qu'eux-mêmes ne connaîtront qu'à travers les documentaires sauf à disposer de moyens financiers conséquents. Nous le savons tous, c'était le privilège de certains de se déplacer à travers le monde, riches industriels ou aristocrates fortunés, inventant le tourisme qui faisait rêver le bon peuple. Les congés payés de 36 ont ouvert les vannes des bains de mer, raisonnables destinations, là où je vis actuellement, deux générations plus tard, les petits enfants se prennent à jouer aux aristos fortunés, l'exotisme facile à portée de toutes les bourses, ou presque, une semaine à Djerba pour 500 euros tout compris, aller-retour pour la Chine, 600 euros, etc... Pourquoi se priver en effet ?

La dilution puis la disparition du virus (hypothétique) prendra des années, la conscientisation écologique, le maintien coercitif des populations dans un carcan de précautions sanitaires, tout cela freinera les ardeurs nomades de beaucoup, la culpabilisation savamment entretenue aura raison des derniers récalcitrants. Et le Bretagne se retrouvera comme destination préférée des hexagonaux, températures agréables, paysages à l'avenant (jusqu'à quand), décidément, rien n'est simple.

Bonne journée

Bises