L'ami de TIFFANY TAVERNIER aux Ed Sabine Wespieser
Avis paru dans BABELIO
Les apparences sont trompeuses, destructrices dans ce faux-semblant au delà de toute mesure. Comment ? La question se pose tant le décalage est sidérant. C'est bien de sidération dont il s'agit ici. Il est impossible de gérer l'horreur quand il s'accompagne d'une normalité ordinaire, comme si, tout à coup, l'innommable s'était invitée dans votre existence, souillant jusqu'à votre intimité, une trahison extraordinaire de duplicité insensée.
L'impossible est un mur sur lequel se heurte le couple, plongée intérieure immédiate pour elle, tentative de fuite dans le réel pour lui, mise en responsabilité de chacun envers l'autre, personne n'a vu quoi que ce soit, une solution, quitter les lieux du crime, semble la plus évidente, ne plus avoir sous les yeux l'étalage du massacre. La présence massive de l'ordre établi, méthodique et froid, heurte, insensibles procédures nécessaires au deuil des proches des victimes. Chacune d'entre elle apparaît dans une chronologie ponctuée de détails culpabilisants pour ce couple aveuglé par une relation amicale dans histoire.
Cette cécité révèle des blessures enfouies depuis toujours, il n'est pas dans l'ordre des choses de ne pas soupçonner que votre voisin et ami est un psychopathe, c'est suspect, vous êtes coupable de n'avoir rien vu.
- Vous êtes certain, ce soir-là, ce cri ?
Fuir la culpabilité larvée, nous sommes coupables de quelque chose, d'être né par exemple, de n'avoir pas su retenir son fils, de n'avoir pas pu retenir son frère, ne pas savoir, ne pas pouvoir, l'impuissance est au coeur de la conscience aigüe d'une fragilité inhérente à la vie, elle n'a pas vu, il n'a pas compris, elle s'en va, il cherche des réponses, retour aux racines, lointaines campagnes abandonnées des hommes.
Très empathique, le roman nous prend à bras le corps et ne nous lâche pas.
A lire