Le lac de nulle part de PETE FROMM aux Ed Gallmeister

Avis paru dans BABELIO

La nature profonde de l'homme reste un mystère, y compris pour ses proches, surtout pour ceux-ci. Le prisme de l'affect fausse toute objectivité ou analyse un tant soit peu lucide. En temps normal, les conséquences restent limitées aux aléas d'une vie quotidienne aux automatismes bien rodés. La connaissance de l'autre est indispensable à une bonne entente, voire à une relation amoureuse épanouie et, malgré tout, cela ne suffit pas. Un mari, une femme, un garçon et sa soeur jumelle partaient en randonnée, puis la femme ne vint plus, rompant l'harmonie, créant une complicité entre les enfants et leur père, un autre monde fait de souvenirs et de moments forts partagés puis la vie suivit son cours, le père ne partage plus, il s'en va, il a croqué le fruit défendu, non-dit entre le frère et la soeur, sans conséquence pour leur relation de jumeaux. Le temps fait son oeuvre, chacun suit sa route jusqu'au jour l'irruption du passé, le père cherche à retrouver les moments de partage avec ses enfants.
Et là, rien ne va vraiment. Tous ont changé, remonter à tout prix le chemin de la mémoire révèle les fêlures, la parole se libère au fond de la forêt, sur les lacs, précipitant une vérité non-dite, incomprise. Quelque chose cloche, les oublis se multiplient, l'errance étrange prend forme, aucune quête de sens ne se dégage, l'incompréhension devient la règle qui régit un quotidien erratique. L'aveuglement affectif transforme chaque faute en autant d'excuses, ne voit pas l'affaiblissement, le délitement de l'homme, père fusionnel en son temps devenu un malade incontrôlable. Quand les éléments s'en mêlent, les réflexes de survie se révèlent, à double sens pour elle, instinctif pour lui. Ils retrouvent par leur gémellité la nécessaire fusion qui les sauvera d'une mort certaine.
Je ne dit pas toute la vérité, ne souhaitant pas gâcher le plaisir de ce chemin au long cours. Quelques longueurs sont à noter, nécessaire peut-être dans l'approfondissement du relationnel frère-soeur.
Pete Fromm, une fois de plus, montre sa grande connaissance de la fraternité sans laquelle nous ne sommes que de petits êtres fragiles et sans défense.
Je l'ai rencontré lors d'une dédicace. J'ai retrouvé dans son regard une forme de bienveillance qui sous-tend son oeuvre.
Merci à lui

Image : Un lac au Canada 2010