Chien 51 de LAURENT GAUDE aux Ed Actes Sud
Avis paru dans BABELIO
Y a-t-il un effet de l'actualité récurrente sur les thèmes choisis par Laurent Gaudé ? Les catastrophes à connotation planétaire se multiplient, les réactions de l'espèce humaine restent en deçà de ce qui serait nécessaire à la résolution desdits problèmes, ce qui nous envoie tout droit vers des scénarios dont les romanciers peuvent se saisir. Le genre dystopique fut un terreau de fantasmes dissociés du réel avant de devenir une loupe de nos errements, puisant dans quelques faits divers des éléments narratifs à la logique poussée à l'extrême, Margaret Atwood en est un exemple abouti. Laurent Gaudé vit dans le même monde que vous et moi, captant et transposant divers travers de notre civilisation. L'on remarque dans le roman des choix non anodins, comme la Grèce, pays à vendre, en partie vendu à la Chine, via les conseils d'un établissement financier (Goldmann Sachs), identifiable dans le livre. Les polices anti-émeutes ont une fâcheuse ressemblance avec Frontex, sbires payés par la Communauté européenne pour empêcher les gueux du Sud d'envahir les terres du Nord (chez nous). La loterie "Destiny" du roman renvoie aux bourses attribués aux plus méritants des pays d'en bas (sur la carte), cynisme de bon aloi, certificat d'une bonne volonté affichée masquant la réalité des flux de richesse, vampirisme de quelques multinationales. Deux entreprises dominent le monde dans le récit, elles ne sont guère nombreuses dans la réalité, s'affranchissent des lois internationales et traitent d'égal à égal avec les états. La concussion et les prévarications diverses créent la trame du livre, le pouvoir des deux aspirants au pouvoir suprême ne reposent que sur des intrigues et des meurtres sordides. dont on pourrait trouver facilement dans les C.V de dirigeants actuels, pratiquant le pantouflage entre responsabilités étatiques ou entrepreneuriales. Laurent Gaudé est un touche à tout talentueux qui sait raconter des histoires en lien direct avec la sensibilité du moment. Je ne parlerai pas de mode dans ce cas, le thème traité n'a pas fini de nous hanter, jusqu'à la toute fin.
Le héros est habité par un idéalisme définitif, naïveté viscérale incompatible avec le principe de réalité.
Un message pour le futur ?
Il faut se garder de toute recherche d'une idée géniale qui nous évitera la catastrophe racontée. Elle est inscrite, la seule question qui vaille : Quand ?
A lire pour se rassurer sur l'état ACTUEL du monde et se dire : Jusqu'ici tout va bien ....