Les vies multiples de William D. de BERNARD MALAMUD aux Ed Rivages
Avis paru dans BABELIO
Passé la cinquantaine, beaucoup d'hommes hétérosexuels se posent des questions quant à leurs rapports avec la gent féminine. Interrogations multiples qui n'épargnent pas William D., aux accents faussement existentiels, à la réalité beaucoup plus triviale : au lit, je vaux quoi ? La routine d'une vie conjugale atténue considérablement le désir, si on ne l'accompagne pas de quelques fantaisies, dont on soupçonne votre épouse de n'être que peu friande de ce genre de gourmandises. Il est admis, pour l'homme mûr, qu'une cure de jouvence, je n'oserais dire de "jouvencelle", serait un test grandeur nature pour se rassurer sur le bon état de marche de l'instrument du dessous de la ceinture. Si par un hasard bienheureux, votre chemin croise une jeune fille embauchée comme femme de ménage par votre propre épouse, ne voilà-t-il pas que vos sens s'affolent, que les compteurs flirtent avec la zone interdite, que cela se voit, non par votre épouse, mais par la demoiselle, attirée par les hommes d'expérience. Les sous-vêtements volent, vous refusez dans un geste de résistance désespéré, dernier rempart de votre virilité mise à l'épreuve. Ce n'est que partie remise, la jeune et affriolante arrive toujours à ses fins, la morale n'a que faire des faux-semblants qui ne trompent personne, mis à part la vanité de l'homme blanc vieillissant, qui ne tarde pas à succomber aux formes généreuses outrageusement mises en valeur par des tenues vestimentaires...adaptées. William D. rejoint la congrégation (mot mal choisi) des hommes qui trompent leur femme, pensant que celle-ci est dupe de leurs mensonges, de leur mine réjouie de mâle comblé ( par qui ?). Il suit une liste non exhaustive d'excuses bidons, de rendez-vous impromptus et autres escapades fallacieuses.
La complaisance a des limites, la sincérité aussi, quant à l'amour, n'en parlons pas, il y a longtemps que le sens profond du mot a rejoint le divan du psy de service. Les rebondissements des états d'âme de l'intellectuel, j'avais oublié, le monsieur est biographe, s'occupe de la vie de personnages célèbres, ce qui l'exonère de s'occuper de la sienne. L'identification n'est pas loin, un paravent facile, vite éventé par l'épouse, peu considérée par le malotru, au mépris facile. Les scènes à cet égard sont difficiles, le texte date des années 70 mais on devrait, sans trop chercher, trouver des hommes qui pratiquent ce genre de comportement, et de femmes qui s'y complaisent. Je vois des sourcils froncés. Eh oui, les rapports homme-femme supposent les deux. Un homme qui se laisse aller suppose une partenaire, jusqu'à un certain point, la suite à donner dépend d'un contexte, que l'homme jugera favorable, si on lui laisse l'illusion qu'il peut arriver à ses fins. Pas sûr que les choses aient évolué autant que les discours le laissent croire. Je parle de situations ordinaires, non de monstruosités dont la presse se repaît, alimentant de ce fait des amalgames et des incompréhensions fâcheuses.
L'ambiguïté n'existe pas dans le livre, le personnage de William D. ne suscite pas l'empathie mais l'on se prend à se mettre à sa place, cherchant quelle serait notre attitude en de pareilles circonstances. le style est enlevé, quelques redondances, voulues, je le pense après lecture, sur l'indécision maladive et le manque définitif de "classe" du monsieur.
A lire ne serait-ce que pour la détente et le ton sur un sujet que l'on pourrait qualifier de badin eu égard aux autres thèmes traités dans la littérature contemporaine.