Donnez, il en restera toujours quelque chose
Je reçois tous les jours dans mes boîtes aux lettres, postales ou virtuelles, des demandes de dons de la part d'organisations humanitaires. C'est le cas de beaucoup d'entre nous, qui donnons déjà. Nous pouvons matériellement le faire, nous nous devons d'aider notre prochain. Je n'ai pas de souci avec l'utilisation qui est faite de mon argent. La prise de conscience humanitaire organisée date du début des années 70 avec la création de MSF et l'organisation du premier concert caritatif ( Georges Harrison). Depuis, beaucoup d'argent a été collecté, dans les cas d'urgence ou dans des opérations structurelles au long terme. Cela s'est professionnalisé au point de devenir incontournable. Les organismes liés aux Nations Unies ont institutionnalisé l'aide, autant au niveau des analyses de situations de crise que de l'aide proprement dite. Les dons peuvent être privés, comme vous et moi, ou étatiques. C'est une chaîne de solidarité qui se met en place à chaque catastrophe, avec des moyens considérables, une logistique prête à intervenir. C'est impressionnant. Il faut dissocier les programmes d'aide permanent et les aides d'urgence. Dans le premier cas, les ONG et autres institutions se substituent aux états défaillants, alimentant au passage une corruption endémique et une déresponsabilisation qui vire rapidement au cynisme le plus absolu. Tout le monde sait ça. Le continent africain, sur lequel on déverse des milliards de dollars depuis des décennies en est l'exemple le plus frappant. Ce qui me gêne dans ce mélange des genres, c'est l'exploitation des richesses naturelles de ces pays par les multinationales occidentales ou chinoises qui, elles, ne donnent pas un sou et rapatrient les bénéfices dans leur pays d'origine, privant ainsi les pays pauvres des ressources nécessaires, là où les ONG interviennent. Ces entreprises sont confortées dans leur cupidité par l'alliance objective qu'elles forment avec la classe politique locale et les organismes caritatifs. La boucle est bouclée. La générosité sincère de millions de personnes privées, basée sur l'empathie, la compassion et autre noble sentiment est salie par le fonctionnement pernicieux d'un système qui trouve là une bonne conscience à peu de frais. Le libéralisme économique a ceci d'extraordinaire qu'il montre ce qu'il donne et cache ce qu'il prend. Il vend sa bienveillance tout en taisant sa rapacité. Qui va reprocher à Bill Gates l'existence de sa fondation, à part quelques esprits chagrins ? Sauf que c'est un formidable VRP. Sa présence fréquente sur le sol africain, médiatisée, est une formidable publicité pour Microsoft, dont il reste le premier actionnaire. L'Afrique est un marché potentiel à l'avenir incertain, certes, mais encore à conquérir. Ce n'est qu'un exemple de l'hypocrisie assumée des "meilleurs d'entre nous".
Continuez à donner, il existe des gens formidables sur le terrain, et si l'on attend un changement de système, rien ne se fera et beaucoup de gens en souffriront.