Qui terre a, guerre a de JEAN ROUAUD aux Ed Grasset
Avis paru dans BABELIO
Il y a des écrits qui entrent en résonance avec l'actualité. Celui-ci a été écrit récemment, sa date de parution est une coïncidence insensée avec un conflit absurde qui ensanglante l'Europe en ce moment. La genèse d'une guerre territoriale, d'un autre âge trouve ici son accomplissement funeste. L'agriculture est une agression vis à vis de mère Nature, hier comme aujourd'hui. le chasseur-cueilleur prenait sans intervenir dans le processus naturel de création. Il prélevait en tant qu'être vivant sa subsistance. Il domestique en quelque sorte l'ensemencement jusque là aléatoire, il sédentarise pour mieux récolter, il protège sa création, crée les conditions de conflits de richesse, dits de territorialité, les terres n'étant par ailleurs pas toutes aussi généreuses. Elles sont source de pouvoir. Celui qui possède un riche terroir attire la convoitise, ainsi que la protection de ceux qu'il fait vivre. Un royaume se crée, le roi demande à ses sujets une allégeance que ceux-ci ne peuvent lui refuser. La terre crée aussi le conflit potentiel, la guerre est à ses portes. La domination de l'homme sur l'espace naturel va provoquer également une sujétion : la nature va se plier, elle doit et ses habitants avec, les autres êtres vivants, sauvages ou non, vont payer le tribut, extermination ou domestication, dû à l'être dominant. Redessiner la matrice en fait un Dieu, il se voit, se représente, Dieu et l'homme, Dieu est homme, les deux entremêlés dans une folle construction conceptuelle d'une redéfinition du rôle de la terre, nourricière à ses débuts, esclavagisée à sa toute fin, c'est à dire aujourd'hui.
Jean Rouaud n'éprouve aucune nostalgie, il construit des passerelles qui nous aident à comprendre le chemin actuel, cul de sac existentiel, auto-destruction programmée.
A lire, en regard d'une actualité désespérée.