Madame Werner de GABRIELLE CHEVARIER aux Ed Léméac

Avis paru dans BABELIO

Un bijou que ce petit livre, je le dis comme je le sens. Le thème n'est pas dans mes cordes mais peu importe. L'écriture est fluide, sans effet de style ni mots savants dont nous abreuvent souvent les auteur(e)s, la nuance ne demande pas que l'on récite le dictionnaire. Les choses invisibles sont autant de pièges, la cécité dont nous faisons preuve, nous, pauvres mortels, quidam handicapés de la phrase juste, est ici d'une aveuglante évidence. Je perds la voix, mon gagne-pain, ma raison de vivre et puis non, ce n'était pas mon seul sujet de prédilection. Je retrouve dans cette maison d'autres motifs de satisfaction, à rebours de l'évidence. La reconstruction est-elle nécessaire ? Non, elle ne l'est pas, elle est vaine et qui suis-je au fond pour chercher une excuse à ce qui m'arrive. Je dois profiter de ces moments de fausse vacuité, les images se bousculent, Madame Werner me regarde. Je prends sa place, elle n'est plus, elle a été en ce lieu que je fais mien aujourd'hui, contrainte. De cette servitude, les passerelles se servent, la mémoire construit d'autres ponts qui enjambent les tabous d'une relation de non-dits, d'effleurements. Je vois un reflet, j'entends l'écho de la voix intérieure : écoutes-toi pleurer, tes lamentations ne sont que des enfantillages. Madame Werner est là, elle a été ici, pour toi, tu ne vois donc rien !
Les jeux mémoriels sont omniprésents, comme autant de liens invisibles aidant à l'acceptation de l'accident vocal, peccadille avec laquelle il faudra cohabiter. Rien n'est définitif, Madame Werner ne dit rien, elle me regarde et je comprends.
Superbe roman que ce texte écrit par quelqu'un que j'eus la chance de croiser. Je ne suis pas étonné du talent, j'ose espérer qu'elle ne s'arrêtera là.
Bravo et merci
A lire.
Détail technique, la maison d'édition est québécoise, à commander chez votre libraire, qui ne l'aura pas en stock.