Elections
Dans le journal "Le Monde" de ce week-end, je tombe sur un article traitant de mon coin de Bretagne, lieu peu médiatisé s'il en est. Qu'est-ce que j'apprends ? Certaines communes voteraient à plus de 30% pour le FN. Mais ça ne va pas, non ? J 'aimerais avoir quelques électeurs en face de moi pour qu'ils m'expliquent les raisons de ce vote. Est-ce la peur de l'immigré, l'insécurité, le chômage, le sentiment d'abandon, toute mauvaise raison invoquée ici et là pour justifier pareille ignominie ? Je ne vois aucune raison objective à ce cancer mais les métastases ne sont pas objectifs, ils contaminent aussi les corps sains. Distiller la peur de l'autre dans une région traditionnellement repliée sur elle-même n'est pas difficile. Ici, on ne se lie pas facilement et l'étranger peut venir du village voisin, je le sais d'expérience. Le candidat frontiste semble lui-même étonné de cet engouement, il se contente de l'accompagner, habitué qu'il était à des scores à un chiffre. J'éprouvais une certaine fierté de ce peu d'enthousiasme quand le reste du pays commençait à sympathiser avec la famille Le Pen. Néanmoins, quand j'arpente les rues de mon village natal, j'éprouve un certain malaise. Le centre village semble quasi abandonné, pas âme qui vive et les panneaux "A vendre" fleurissent en toutes saisons. Il reste deux commerces, une boulangerie et un bar-restaurant, fermé en dehors des heures de repas. La boulangerie est à vendre pour cause de retraite. A première vue, sous un ciel bas de Novembre, cela ne distille pas une franche gaieté. Un lotissement semble accréditer l'idée d'installations récentes et l'existence d'une médiathèque montre un réel effort de désenclavement culturel. L'école primaire a repris des couleurs avec une hausse des effectifs. Des rencontres sont régulièrement organisées dans la salle des fêtes , fruit du travail d'une association locale. Mais alors, quoi ? Qu'est-ce qui ne va pas ? L'abandon, souvent évoqué, par les pouvoirs publics ne peut expliquer ce glissement.
C'est un village tranquille, comme on l'a compris, pas de raison ici d'être inquiet, les portes restent souvent ouvertes bien que, depuis quelque temps, elles se ferment, on ne sait jamais. L'anxiété vient d'ailleurs, comme toujours. Il est facile de stigmatiser les médias mais je ne peux m'empêcher de recouper les conversations que j'ai eues ici avec les informations télévisuelles, porteuses d'images et de discours anxiogènes. La fenêtre sur le monde s'ouvre sur un univers urbain, en proie au terrorisme, aux règlements de compte, aux enlèvements et divers homicides. La première page du journal local n'a rien à envier aux supports plus volatils. Nous avons affaire à un nouvel avatar de l'argumentaire politique :la peur par procuration. Là où il ne se passe rien d'alarmant, créons le malaise par média interposé, formidable caisse de résonance, ressenti d'autant plus fortement qu'il intervient dans une communauté où le quotidien est traditionnellement calme. Introduire la suspicion et la méfiance de l'autre devient un jeu d'enfant. Les candidats du FN ne sont que les instruments de cette escroquerie démocratique. Ouvrez les yeux, il est encore temps. Il fait bon vivre dans ce coin de Bretagne, souvenez vous en.