Mémoire

Au hasard de mes pérégrinations personnelles et professionnelles, je me suis posé en de multiples lieux qui ne représentaient rien pour moi, qu'un toit que je savais temporaire, que je faisais mien rapidement. Je prenais possession des lieux. Je n'ai pas compté ces maisons et appartements de passage. De quelques semaines à quelques années, ces hébergements m'ont façonné. Les images qui restent sont autant de repères temporels, attachés aux êtres qui peuplent ma mémoire. Beaucoup ont disparu de mon existence, certains m'ont accompagné, d'autres se sont agrégés. Je m'efforce de ne pas oublier, de garder le lien entre tous ces éléments de mémoire, ils sont ce que je suis aujourd'hui, une mosaïque d'influences. De la diversité naît la richesse. Des esprits chagrins évoqueraient l'idée d'un éparpillement, d'une absence de fil conducteur, d'une vie au jour le jour, obéissant aux lois du moment. Peut-être, mais s'éparpiller, c'est aussi semer, et récolter, mais quoi ? et quand ?

L'évoquer aujourd'hui est un morceau de la réponse. Synthétiser une vie est une formule affreuse, un côté chimique assez rebutant, hélas très près de la réalité médicale. Une mémoire surchargée nécessite un tri sélectif. Les objets que l'on traîne avec soi sont pour certaines personnes le support visuel de cette mémoire et jeter au rebut de vieilles choses, c'est s'amputer d'une part de soi. Ce ne sont que des objets inertes auxquels on donne vie, attachés qu'ils sont à un morceau d'existence. Vous les jetez, vous n'existez plus. Curieuse façon d'appréhender la vie que l'accumulation. Nous sommes loin d'une sagesse orientale qui prône le dénuement afin d'atteindre la pleine conscience. J'admire ce détachement, j'en suis incapable mais je sens confusément qu'il le faudra car, à la toute fin, nous sommes tous nus.

L'image qui accompagne ce texte m'est chère. Je n'ai pas habité ces maisons mais j'y ai passé une partie de mon enfance, lieu de mémoire riche et fondateur.