Insomnie
Sur les réseaux sociaux, on trouve de tout, le pire comme le meilleur. C'est une extension du domaine des fantasmes de tous poils, pour pasticher qui vous savez. C'est aussi, et surtout, le réceptacle des solitudes, l'expression d'un désir de reconnaissance d'individus que l'on prive dans leur quotidien de moyens de penser autrement. Devant l'écran, nous ne sommes pas censés être parasités par l'autre, par sa présence physique, son regard, son jugement. On peut se lâcher. Ce n'est pas le cas sauf à considérer les élucubrations infantiles comme l'expression d'une liberté de ton, régression vers un stade primaire de la création artistique. Un blog, aussi confidentiel soit-i, n'est pas un supplément d'âme: l'étalage de ses problèmes personnels n'intéresse que les psys mais...La nuit est propice à la confidence, elle est un cocon où le silence régnant et le sommeil d'autrui vous protège de toute intrusion. La fatigue qui accompagne l'insomnie modifie la perception et amplifie l'intériorité.
L'aube dessine les contours de la rue, la blancheur laiteuse nimbe la ville d'une douceur vaporeuse. J'émerge de ce demi-sommeil qui m'a fait me lever avant l'heure, réveillé par des songes que je croyais disparus, rêves récurrents d'une période close. Mais la porte jamais ne se referme, les pièces de ma maison intérieure communiquent, le couloir n'est jamais loin. Cette maison est un lieu de passage, encombrée de cartons, d'objets éparpillés. Je n'y habite pas et je suis chez moi. Les meubles sont posés au hasard des pièces, sans ordre apparent, la poussière laisse à penser qu'ils sont là depuis longtemps. Je me réveille dans ce lieu, on sonne à la porte, je ne bouge pas, terrorisé. Le rêve se termine et je suis là, devant mon écran. Nous avons tous nos démons intérieurs, je le suppose, refoulés au plus profond par le mouvement de la vie. Une faille s'ouvre de temps à autre, laissant s'échapper ce nuage toxique qui vous empêche de respirer. Quel est le facteur déclenchant ? Il diffère, votre mécanique terrestre personnelle s'enraye, la remise en place s'éternise et perturbe le bel ordonnancement de votre vie sociale, la seule visible aux yeux de tous, la seule qui vous fait exister. Vous retrouvez vos automatismes, une nouvelle journée commence. Votre moteur peut tomber en panne. Vous êtes en danger, sur le bord de la route et personne ne s'arrête, trop risqué.
Il est 6 heures, les bruits de la rue s'amplifient, votre cocon s'effiloche, vous distinguez derrière les parois de la chrysalide la vie qui déploie ses ailes, les vôtres sont ankylosées, s'irriguant petit à petit, le voile se déchire, vous y êtes, vous prenez votre envol :
La journée peut commencer.
Pourquoi New-York ?
Un souvenir déjà ancien: Avec un ami, nous avons arpenté les rues de Manhattan à cette même heure en proie à une insomnie commune et nous nous sommes attablés au Starbuck sur la 7ème avenue, regardant le spectacle de la rue qui s'éveille, des homeless poussant leurs caddies remplis de canettes, des yuppies, costume sombre et chemise blanche, marchant d'un pas alerte et les taxis jaunes rentrant au dépôt, New-York au petit matin...