L'arbre qui se meurt

Au coeur d'une grande ville de l'Ouest de la France, le marché de Noël bat son plein. Nous sommes samedi et la foule se presse autour des stands éphémères. Il fait bon, l'atmosphère est bon enfant. Nous quittons la foule pour nous réfugier sur les bords du fleuve, berges transformées en cet endroit en un musée de l'esclavage, historique judicieusement placé en lieu et place des quais où, jadis, les navires du commerce triangulaire accostaient de retour de leur funeste voyage. La LIBERTE écrite dans toutes les langues sur les murs bruts nous rappelle, si besoin était, qu'elle n'a pas de patrie, partagée qu'elle devrait être par tous les hommes et femmes de bonne volonté. Cette partie de la ville témoigne d'un passé industrieux, lieux de mémoire de l'autre côté du fleuve, lieux de culture aujourd'hui. Ou sont les ouvriers des chantiers navals ?

Musée, galeries d'art, restaurants branchés drainent son lot de visiteurs dans cette halle immense. Le symbole d'une France vidée de son industrie et de sa mémoire collective. Demain, après-demain, le pays tout entier sera-t-il comme ces quais de Loire, entièrement dédié à la culture, muséifié ? Entre les villages typiques restaurés et vidés de leurs habitants, les friches industrielles reconverties, les emplois ainsi créés seront-ils suffisants pour revitaliser ces lieux de mémoire d'un pays trop occupé à regarder dans le rétroviseur et qui ne voit pas le mur de la désespérance du chômage de masse se dresser sur sa route. Le vernis d'une culture institutionnalisée ne pourra pas cacher longtemps la perte de repères et de vie collective qui sous-tend toute création. Sans ses racines, un arbre meurt.