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29 Jul

Trains de nuit, ailleurs, nous sommes le 29 Juillet 2020, il est 10h54 à Laurenan

Publié par gilles cochet  - Catégories :  #VOYAGE

Trains de nuit, ailleurs, nous sommes le 29 Juillet 2020, il est 10h54 à Laurenan

Communications sur les trains de nuit en France : Ils ont disparu du paysage ferroviaire pour les raisons habituelles : pas rentables, dangereux, rames obsolètes, vous secouez le tout et le malheureux qui aurait pu être tenté, s'enfuie en criant "Ca va pas, non ?". C'est la com d'aujourd'hui, du marketing économique.

Même processus aujourd'hui, dans l'autre sens, versus écolo, après le vote aux municipales, le discours se verdit quelque peu et notre ineffable et pléthorique gouvernement redécouvre les vertus du train face à l'avion, vilain pollueur, moyen de transport socialement connoté. Si je croyais aux déclarations politiques, j'applaudirais des deux mains. Je suis un fervent partisan du train, moyen de transport totalement en phase avec nos soucis énergétiques actuels, que ce soit pour les gens ou les marchandises...mais je ne crois pas ces gens.

Les trains de nuit existent encore, ailleurs. J'ai expérimenté au cours de mes voyages trois trains nocturnes, nuits fort différentes.

En Turquie, 1993, entre Istanbul et Ankara, 12 heures de trajet pour 500 kms. C'était un voyage organisé, en groupe, un wagon pour nous, pas de couchettes, des cabines de quatre personnes, confort minimum. Au passage, ce train correspondait à ce que j'avais vécu pendant mon service militaire, bruyant et délabré, au départ de la gare de l'Est à Parsi tous les quinze jours, retours de permission mouvementés et glauques. Retour en Turquie où j'ai passé une nuit blanche, laissant mon fils (12 ans à l'époque) dormir comme l'enfant qu'il était. Je devisais nuitamment avec un éditeur fort érudit et sympathique sur son métier de lexicologue, compétence dont j'allais bénéficier quelques jours plus tard dans les ruines d'Ephèse, ce monsieur lisait le grec ancien sur les frontispices et dans les musées que nous visitâmes par la suite. Le train s'arrêtait fréquemment sur les plateaux d'Anatolie, nuit noire, aucune lumière, les fenêtres étaient ouvertes, températures fraîches mais nous fumions, cendriers partout. Ce fut une nuit bavarde et instructive.

Quelques années plus tard, 2008, un autre voyage organisé me vit prendre un train au Caire, en Egypte, en fin d'après-midi pour Assouan, au Sud du pays. J'étais avec ma compagne. Nous eûmes droit à une cabine couchette deux places, train ayant bourlingué mais propre, personnel de bord aux petits soins. La traversée Nord-Sud de l'Egypte, c'est le désert du début à la fin, quelques oasis, le Nil aperçu de temps à autre et surtout, des arrêts interminables au milieu de nulle part, vaguement angoissant. Je me souviens de bergers sur le ballast gardant leur troupeau de chèvres qui broutaient je ne sais quoi, ne voyant que des cailloux et du sable à perte de vue, quelques cadavres de ces bêtes près des rails justifiaient mes interrogations. La vitesse fort réduite du convoi lors du passage près des villages permettait un voyeurisme exotique malsain, suscitant une empathie momentanée, trouble émotionnel sans conséquence de l'occidental repu. Le petit déjeuner fut frugal, sur une tablette instable menaçant de répandre le thé du matin. L'arrivée à Assouan ne fut pas celle d'Hercule Poirot, tiré à quatre épingles mais celle d'un couple chiffonné par une nuit chaotique, que la chaleur à venir ne fit qu'accentuer le désarroi.

Abou-Simbel valait bien cela.

En 2014, changement d'atmosphère à la gare de Pékin, efficacité asiatique pour ce trajet jusqu'à l'ancienne capitale impériale, X'ian, 1200 kilomètres dans un train moderne, d'aujourd'hui, comme nous aimerions en avoir ici. Un bémol toutefois, cabine de quatre personnes que nous partageâmes à ...six. Quatre couchettes, nous, couple de français et deux femmes chinoises avec leurs enfants, un petit garçon et une petite fille. Communication quasi impossible, gestes minimum de courtoisie. Le confort de couchage fut digne d'un hôtel...fixe. La nuit pouvait être compliquée, à six dans un espace assez réduit. Il n'en fut rien, les enfants, 4, 5 ans, souriants et silencieux, eurent un sommeil de bienheureux et, le matin venu, nous nous réveillâmes les derniers, peu de temps avant notre arrivée en gare de X'ian, sous le regard bienveillant des enfants, habillés de propre, radieux, prêts à partir. L'image d'un visage d'enfant au réveil, interrogatif, nous mit dans de bonnes dispositions pour la journée de visites, nombreuses, qui nous attendait. J'ai une image de cet enfant, me semble-t-il, quelque part sur une mémoire d'ordinateur, à défaut, la mienne garde ce visage comme symbole de notre nuit ferroviaire chinoise.

Trois moments, ailleurs sur notre planète, de la possibilité de se transporter endormi d'un point à un autre, en toute sérénité.

 

Image : Train de nuit / Gare de Pékin / Chine / 2014

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