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04 Dec

Triste tigre de NEIGE SINNO aux Ed. P.O.L

Publié par gilles cochet  - Catégories :  #LIVRES

Avis paru dans BABELIO

Je termine à l'instant ce livre. J'ai déjà lu d'autres ouvrages ayant trait aux violences sexuelles envers les enfants. Celui-ci a le mérite d'une honnêteté sans faille, d'appeler un chat, un chat et de soupeser les tenants, les aboutissants, quelque puisse être l'angle avec lequel on aborde le sujet. C'est très complet et nous évite les effets de manche pseudo-littéraires d'auteures en vogue depuis quelques années. Neige Sinno peut être maladroite, ce qui rend son témoignage d'autant plus authentique. Les descriptifs un peu crus ne m'ont pas choqué, ils sont terrifiants et le sordide, s'il est esthétiquement acceptable au cinéma, ne l'est plus du tout quand il nous vient du réel. Il n'y a nulle complaisance à cela. L'intelligence du propos dans la peinture sociale et culturelle de l'univers du violeur est sans concession, ni jugement, elle décrit un homme perçu comme ordinaire, un peu autoritaire certes, mais respecté. L'hallucinante révélation des témoignages en sa faveur lors du procès fait froid dans le dos et l'ostracisme qui suit le procès envers la victime est tout aussi affligeant. La nature humaine se révèle au grand jour quand tout bascule. Un grand absent toutefois dans ce livre, à part une ligne : le père de la victime. J'ai été un peu étonné de ne pas sentir l'absence de ce père, aimé par sa fille (elle en dit deux mots). Il aurait dû être là, elle semble indifférente à cette absence.
Je suis normale dans la vie sociale, je semble quelqu'un d'ordinaire, c'est en creux la seule satisfaction que je puisse avoir nous dit-elle. Je ne suis ni un être détruit, ni un monstre psychopathe, sujet de thèse pour criminologues.
Mais, nous crie-t-elle, je vis avec ces viols, en silence et l'on me parle de résilience, mot très "tendance" sur la soi-disant capacité de certain(e)s à surmonter une telle épreuve.
Non, dit-elle, la souffrance est là, permanente, la méfiance envers des comportements ordinaires dès que des enfants sont présents, la suspicion omniprésente. Il n'y a aucune résilience, un problème de plus à gérer dans la vie qui n'en manque pas.
Je ne tire aucune gloire particulière à surnager et le procès public, voulu par moi, dit-elle, n'est destiné qu'à prévenir, à décrire crûment ce qu'est un viol à répétition et à permettre à d'autres de briser le silence qui entoure trop de souffrances à l'intérieur des familles. L'omerta se doit d'être combattue, sans effet de style.
Elle revient sur la littérature comme thérapie en estimant que le statut victimaire ne se porte pas en sautoir, qu'elle n'aide en rien à se débarrasser de la salissure, qu'au contraire, elle donnerait presque des lettres de noblesse à des actes ignobles.
Ce livre est un coup de poing sincère, sans fioritures ni effets, maladroit parfois mais terriblement VRAI.
Merci.

Image : La Rivière - Parc naturel du Vercors

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