Indignations sélectives : le grand agacement

Ils ou elles commencent vraiment à m'agacer, ces chroniqueurs radiophoniques des tranches matinales. A peine réveillés, ils se sentent obligés de vous asséner leurs indignations de la nuit qui, en l'occurrence, ne leur porte pas conseil, ou leçons de morale ainsi que vérités énoncées avec une mauvaise foi crasse, tous encouragés par les Monsieur Loyal de l'info, jonglant avec les jingle et spot publicitaires intempestifs. Les messages se doivent d'être percutants et rapides, pas de demi-mesure, peu de réflexion, les phrases-chocs et les émotions remplaceront l'analyse, trop tôt pour des auditeurs baillant devant leur bol de café ou coincés dans leur voiture. Il faut capter l'attention, tenir en haleine, ne rien lâcher. Au détriment, hélas, de la plus élémentaire correction vis à vis des invités, de l'intérêt d'une chronique griffonnée à l'aube sur un sujet lambda, reprise sur les réseaux sociaux, seconde vie et buzz assuré pour peu que l'on assure le SAV. L'analyse n'est pas le propos. Le souci est que cette tranche matinale est très écoutée et reste un vecteur d'information très exclusif, qui habitera l'auditeur toute la journée, premier contact avec le monde extérieur. C'est un inventaire à la Prévert, ces deux heures d'info, sans lien, passage du coq à l'âne.

J'évoque ce sujet car j'ai été agacé par deux interventions :

-François Morel, que j'aime beaucoup, nous a fait sa rubrique du vendredi sur France-Inter sur le "don" de Jeff Koons à la ville de Paris, à la mémoire des victimes du Bataclan, don apparemment sujet à caution, selon l'ami François, par sa taille, son esthétique et son emplacement, choisi par le créateur et le prix nécessaire à son installation. Intérêt limité de cette chronique, d'autant plus qu'il y aurait désaccord entre la mairie de Paris et le gouvernement sur ce choix, de la à y voir une cabbale politico-médiatique, il n' y a qu'un pas, que je franchis en disant à Mr Morel que nous l'avons vu mieux inspiré.

-L'autre chroniqueur officie sur Europe 1, philosophe, Raphaël Enthoven, fils de, élevé dans le sérail s'illustre dans une approche dite de gauche, dépassant régulièrement ce "vieux" clivage idéologique, père de tous nos maux, sclérose intellectuelle, qu'il faut, selon lui, absolument éradiquer et passer à autre chose. Quoi ? Je ne sais pas vraiment mais une de ses dernières sorties concernait l'expo sur Che Guevara à la mairie de Paris, considérant celui-ci comme un boucher, mythe artificiellement gonflée au service d'un communisme sanguinaire. C'est digne du Figaro à sa grande époque, grotesque charge contre un hommage somme toute assez soft au médecin argentin. La dernière en date concerne B.Cantat et la une des Inrockuptibles. Il n'a pas de mot assez dur contre le journal et charge celui-ci, l'accusant de salir la mémoire de Marie Trintignant en mettant en une une photo du chanteur. Celui-ci a été jugé, condamné, purgé sa peine et libéré. Depuis, il a repris une activité de chanteur-compositeur, d'où l'article du journal. Mr Enthoven serait-il pour la peine de mort ? Au vu des mots employés au cours de sa chronique, on peut se poser la question.

Cet intellectuel brillant serait lui aussi mieux inspiré dans le choix de ses indignations, l'information au quotidien nous déverse son lot d'horreurs, lointaines, souvent, trop pour nous émouvoir suffisamment, trop peu médiatiques pour ce monsieur qui a, chacun en conviendra, des coups de gueule "sélectifs".

Pour illustrer le propos: un média "exigeant"