Là où je suis né, Laurenan, commune de 721 habitants ...qui bouge encore

J'ai déjà écrit sur le sujet, c'est inépuisable comme sujet, l'endroit où l'on naît, où l'on se construit, ce qui fera, ou pas, ce que vous êtes. Il y a eu dans cette commune pendant des années, un immobilisme pathologique, comme dans beaucoup de bourgs, où, pour satisfaire quelques-un(e)s, rien ne se fait, rien ne se dit, les vieux meurent, les jeunes s'en vont et les autres travaillent, la terre, pour la plupart et se la répartissent au fur et à mesure du non-renouvellement générationnel. La terre ne ment pas, elle ne bouge pas, , c'est acquis, pourquoi s'en faire, il faudra toujours des gens pour la cultiver, pour élever les bêtes, suffisamment, pensait-on, pour garder un semblant de vie sociale, un commerce, un café, une boulangerie, la vie, quoi et puis, un jour, plus rien. Plus de café, plus de commerce et plus de boulangerie, quel symbole ! Le pain, base de l'alimentation, disparaît de la commune. Un boulanger qui part en retraite, ça se fait, il a le droit, comme tout le monde et personne à l'horizon pour reprendre le pétrin puis, miracle, une repreneuse, temporaire, elle l'avait dit, on avait mal écouté, puis un deuxième, patatras, dissensions diverses, cette fois-ci, ça sent le roussi ( ou le rassis ), terminé, le pain s'achètera à cinq kilomètres, on se débrouille, un dépôt au restaurant, peu pratique, juste pour dépanner. Que faire ?

Je n'habite plus à Laurenan depuis longtemps. En quoi cela me concerne-t-il aujourd'hui ? Qu'est-ce que je peux avoir à faire avec une association qui milite pour un renouveau de la vie sociale dans une commune rurale ?

Ma réponse tient en un seul mot : La Mémoire.

Quand je traverse ce bourg à pied, je passe devant ces maisons, dans lesquelles je suis passé étant gamin, pour des tas de raisons, des bâtisses, vides, à vendre, ou habitées quinze jours par an, je ne croise personne, je fais demi-tout au Châbre et je rentre à la maison, j'ai encore un lieu d'habitation, combien de temps, je ne sais pas, ça dépendra. J'ai traversé un bourg peuplé de fantômes, les miens sans doute, des gens habitent ici mais je ne les vois pas, je ne les voyais pas, je les revois maintenant,

Une association est en train de naître, un truc collectif, vous savez, quand plusieurs volontés se mettent ensemble pour réaliser un projet, une idée, l'association s'appelle "les coeurs de bourg", tout le monde n'est pas d'accord sur le nom, pas grave, l'essentiel n'est pas là. Un dépôt à Laurenan san sacheter son pain de pain s'est ouvert en Janvier, trois jours par semaine, tous les jours seraient mieux mais ici, tous sont bénévoles, compliqué d'ouvrir tout le temps, on manque de bras alors si vous vous ennuyez, éteignez la télé et venez, il y a du travail.

Du travail, pour tenir le commerce du pain, bientôt l'épicerie et le café qui suivra, du travail, pour aménager l'ensemble du bâtiment, des compétences sont demandées, etc ...

Je me suis retrouvé deux dimanches de suite à Coeur de bourg. J'ai retrouvé ce que j'avais perdu dans cette commune depuis des lustres. Un lieu de rencontres, informel, où les gens discutent, de choses et d'autres, s'apostrophent, rigolent un bon coup. Nul besoin de raison particulière, il n'y a pas de conférence attendue, rien de spécial, juste un lieu, ouvert à tous. Je reste interloqué que l'on puisse habiter Laurenan et ne pas acheter son pain ici, pour des raisons obscures, ou trop évidentes, d'inimitiés personnelles.

Le mal endémique bien connu frappe encore, untel contre untel ou unetelle a dit que, patati, patata, pitoyable clochemerle quand il y a péril en la demeure. C'est un acte citoyen que de participer à la construction et la pérennisation de cet endroit.

J'ai retrouvé, ces deux dimanches, ce que j'aimais dans la vie de mon village quand j'étais gosse, la proximité et le sentiment d'appartenance à une collectivité.

Merci